1 juin 2015

Une femme à gros seins qui court un marathon (d'Eric Dejaeger)

Lors d'une précédente note de lecture (Avril 2014), j'avais dit du recueil Ouvrez le gaz 30 minutes avant de craquer l'allumette qu'il était jouissif.
Histoire de changer d'adjectif, disons que Une femme à gros seins qui court un marathon d'Éric Dejaeger est absolument délicieux !
Les deux recueils, parus chez Gros Textes la même année, forment d'ailleurs une sorte de bilogie, le second pouvant servir d'écho (ou de complément instrumental) au premier.

Une femme à gros seins qui court un marathon
Le titre, déjà !
Sonne comme du Bukowski.
Mais ça n'a finalement pas grand-chose à voir avec le poivrot américain.
Hormis peut-être la liberté de ton, le langage "familier", l'impression de naturel qui s'en dégage.

Une femme à gros seins qui court un marathon
C'est d'un amateur éclairé de Chimay bleue, fin gourmet de la langue, vivant dans une sorte de Montana belge.
Ce recueil est à l'image du chevelu bien barbu (pour celles et ceux qui le connaissent) : droit dans ses bottes, chaleureux, finaud, drôle avec ce sens de l'observation, du détail qui font mouche, de la chute qui fait rein, sans oublier quelques piques dûment lancées à la face de ceux qui le méritent (riches capitalistes repus, curés et religions, geeks des réseaux sociaux, des modes vestimentaires douteuses, ceusses et ceusselles qui se plaignent à tout bout de champ) !
Ô lecteur parfois aussi interpellé dans ton trop grand confort.

C'est aussi pour ça qu'on aime tant les recueils d'Éric Dejaeger.
En tout cas celui-ci et quelques autres du même acabit.
En le lisant, on a envie de faire pote avec Éric, de boire un godet, deux godets, trois godets, de deviser, de se marrer, d'ironiser, de fumer clopes ou cigarillos, de marcher quelques pas dans la campagne en sa compagnie, d'observer la Lune faire un grrros bisou à la Terre.



Le recueil s'ouvre sur un absurde cruel autant que jubilatoire, avec cette maison au bord du néant.
Puis Eric invente des mots. Pour la bonne cause. Bannir les anglicismes. Pour que ce soit plus rythmé, plus vivant, plus marrant.
Puis le poème qui donne le titre au recueil. Excellentissime !
Puis les thèmes récurrents : la campagne, la nature, les animaux (plus sauvages que domestiques), les femmes, des souvenirs de voyage (Irlande, Hanovre), le bon vieux rock (Patty Smith, Velours Souterrain de Lou Reed, the Pogues...), les cimetières dans son jardin.
Puis "Le mot jaste" pour se consoler de n'écrire pas à la perfection (je parle pour moi, of course).
Et la double petite bio finale.
On ne saurait passer sous silence la sensibilité d'Éric, qui affleure par petites touches. Entre pudeur et discrétion. Pour Molly d'Irlande, par exemple.
Le "je" n'est jamais trop mis en avant. On ne sait d'ailleurs trop si ce "je" invente sa vie, nous la raconte telle quelle, s'en détache, s'en moque… et peu importe.

Au final, on pourrait presque considérer ce recueil comme un manuel de sagesse ou comment survivre en mode flegme so british et zen dans une modernité tarabiscotée (sans biscottos).
Moi j'en ai fait mon livre de chevet actuel.
Un délicieux patchwork d’une soixantaine de pages.
M'est avis qu'il s'agit-là d'un des recueils les plus aboutis d'Éric Dejaeger. En terme d'équilibre et de dosage.

Pour l'occasion, Éric a fait les choses en famille, entouré de ses deux filles : Sarah à la 1ère de couv' et Fanny pour la 4è de couv'.

On peut commander le recueil (8 euros) sur le site des Editions Gros Textes : https://sites.google.com/site/grostextes/publications-2014/dejaeger-eric-2



3 commentaires:

Éric a dit…

Un énorme merci, Amigo !

Thierry Roquet a dit…

J'espère avoir bien restitué le plaisir pris à la lecture de ton recueil, Eric. Du coup, il y a un truc qui me dépasse et que je ne comprends pas : comment se fait-il que le Marché de la Poésie de cette année consacré à la Belgique n'ait même pas pensé à toi pour l'occasion ???? Les organisateurs ont de la merde dans les yeux, ou quoi ??? Bon, on pourra toutefois trouver ton dernier opus sur le stand de JL Massot, c'est déjà ça...

Éric a dit…

C'est très simple : je ne suis pas dans les hautes sphères littéraires de la littérature francophone de Gelbique, et c'est très bien comme ça ! Je préfère de loin des trucs comme "La Belgique Sauvage" !